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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 23:29

 

Les Frères Karamazov,

Adaptation pour le théâtre et texte français de Jean Gillibert

d’après Dostoïevski

 

Les variations quasi-musicales (organiques) cerclant le parricide s’organisent autour de :

-  qui a tué ?

-  qu’est-ce qu’un père ?

-  des fils, Dmitri a presque tué

Ivan a voulu tuer

Smerdiakov a tué (inspiré par Ivan)

Aliocha a pensé tuer Dieu.

Si le théâtre – ou plutôt le tragique – est un arrachement au social et partant, à l’époque, à l’histoire, c’est que le meurtre (et le parricide en premier lieu) précède toute conscience d’être. Donc, nous sommes tous coupables, de chacun, de tous, de tout.

Quand l’absolu de l’Autre se révèle inaccessible…on le tue. La conscience vient après.

 

De ce meurtre parricide, la Russie porte toute la responsabilité. C’est la Russie qui a tué le vieux Karamazov en armant le bras de ses fils.

La Russie est devenue criminelle, par les confusions qu’elle exerce en ne dissociant plus l’intention de l’acte…Criminelle, au moment où elle-même va être tuée.

 

Le prophétisme de Dostoïevski est ici audacieux. On a tué la Russie…vive les Karamazov ! Le communisme achèvera le meurtre agencé, la suite du communisme parachèvera (de nos jours) cet agencement. L’histoire fabuleuse de Byzance s’est-elle arrêtée définitivement au moment où une Europe de fermiers généraux est en train de s’instaurer ?

 

Les Karamazov, les frères Karamazov sont un grand rêve souterrain…de destruction (Tchernobyl, y compris)

 

J’arrive à penser que ce nouveau tragique est plus «grand» que le tragique grec…Certes le tragique de Cassandre qui se tait si longanimement dans l’Agamemnon d’Eschyle avant d’entamer sa folie prophétique est incommensurable, mais l’acceptation de Dmitri d’aller en Sibérie (pour un meurtre qu’il n’a pas commis, dont on l’accuse) au nom de la mort injustifiée et irréparable du «petiot» - mort qu’il apprend durant son procès – est quelque chose d’ingouvernable. L’irrémissible damnation.

 

Il y a au terme du tragique grec une sagesse limpide et abstraite, par exemple la mutation des vengeresses du sang, les Erynies, en Euménides, déesses bienfaisantes…à la gloire d’Athènes.

 

Le tragique de Dostoïevski conduit aux ordalies modernes : tant d’êtres humains massacrés, mais non effacés malgré tous les révisionnismes, alors que pour les Grecs il existe un lieu d’utopie où on oublie tous les conflits, toutes les exactions, tous les crimes.

 

Dostoïevski découvre avec son christianisme la nécessité intérieure dont certains pourraient penser qu’elle commence avec Antigone, alors qu’elle demeure encore aux «lois non écrites».

 

Il y avait eu Dionysos et sa sauvagerie a-sociale, abâtardie dans le Baroque, la Renaissance et l’esprit classique, mais était présente l’appréhension des orgies sinistres d’un Dyonisos extatique avec les ordalies wagnériennes, les absences réifiées en présences, avec Beckett, Genêt et même Claudel…

Il y a eu en Dostoïevski ce théâtre là du nouveau tragique de la folie de l’Autre.

 

Jean Gillibert

 

Dimitri

 

NB.

Ivan devient fou, Dmitri est banni, Smerdiakov s’est pendu, Aliocha part pour le monde de l’incertitude…C’est ce qui reste de la famille ! Et pas le moindre sentiment de deuil après le parricide. Tout était «avant». Pas le moindre remords, mais la damnation irrémissible de ce phénomène étrange et nouveau : la nécessité intérieure.

 

Donc, pour une pièce adaptée du russe, jouée en français, par des français…pas de pittoresque à la russe ! Certainement de la musique pour valoriser l’aspect choral.

 

 

Note :

• Adaptations théâtrales de Jean Gillibert (d’après Dostoïevski)

Les Démons, d’après les Possédés de Fédor Dostoïevski

- Les Frères Karamazov d’après  Fédor Dostoïevski  

- Les Nuits blanches d’après  Fédor Dostoïevski

 

• Créations théâtrales de Jean Gillibert (d’après Dostoïevski)

L’homme du sous-sol de Fédor, Dostoïevski , Théâtre de la Huchette ,1981

Les Démons d’après Fédor Dostoïevski , Fondation Deutsch de la Meurthe ,1991

Le Rêve d’un ridicule , Lucernaire, 1992

Les Frères Karamazov, d’après Fédor Dostoïevski , Lavoir Moderne Parisien, 1998

-  Les Nuits blanches d’après Fédor Dostoïevski , Vieille Grille, 2002

 

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